Surnommée la « Dame blanche », l’Effraie des clochers est un rapace nocturne de taille moyenne, équivalente à celle d’un pigeon. L’aspect général du plumage est plutôt assez clair, passant du blanc grisâtre au roux. Les deux disques faciaux forment un cœur très caractéristique. Comme les autres rapaces nocturnes, on l’entend plus souvent qu’on ne la voit ! Ses expressions vocales sont très variées. Elles comportent des ronflements au rythme irrégulier ressemblant beaucoup au ronflement humain ainsi que des chuintements prolongés qui lui ont longtemps valu d’être persécutée par les âmes superstitieuses…
L’Effraie préfère généralement les milieux ouverts et bocagers avec des prairies naturelles entrecoupées de haies. Elle peut y chasser jusqu’à 2 km de son gîte diurne ou de son nid installés le plus souvent au voisinage immédiat de constructions humaines. Rien qu’en Europe, plusieurs centaines de publications traitent de son régime alimentaire en recourant presque toujours à l’analyse des restes osseux non digérés contenus dans les pelotes de réjection. Il en ressort que l’espèce est très opportuniste. Son éclectisme alimentaire en fait un bon auxiliaire des naturalistes pour établir, région par région, l’inventaire des micromammifères. Ce sont en effet ces derniers (principalement des campagnols, des rats, des souris et autres musaraignes) qui constituent l’essentiel du menu de l’Effraie. À Oléron, des pelotes de réjection collectées de 1997 à 2017 dans 51 sites différents (gîtes et sites de nidification) ont permis d’identifier 12 847 proies parmi lesquelles 12 693 micromammifères(98,8 %) dont 6 955 Campagnols des champs (54,1 % du total des proies). À ce propos, saviez-vous que le Campagnol des champs n’est présent à Oléron que depuis la fin des années 1970 (première mention connue en 1976) ? Probablement a-t-il été importé involontairement lors du transport de fourrage venant du continent. Toujours est-il qu’il a colonisé Oléron en moins de 10 ans et que sa présence a profité largement à bien des rapaces, notamment le Hibou moyen-duc.
Représentée par 28 sous-espèces dans le monde dont trois se reproduisent en France, l’Effraie des clochers occupe les régions chaudes et tempérées des cinq continents. Sa population dans l’hexagone est estimée à 10 000-35 000 couples nicheurs durant la période 2009-2012 : elle est considérée en déclin modéré, avec des fluctuations interannuelles importantes. À Oléron, un recensement réalisé de 1980 à 1982 a permis d’estimer la population à un minimum de 19-24 couples nicheurs répartis sur les huit communes de l’île. En 1983, année de grande abondance du Campagnol des champs, une prospection approfondie a permis de comptabiliser 40 couples ayant niché avec certitude et de localiser 5 autres couples cantonnés !
L’espèce ne construit pas de nid. Ce dernier consiste en une simple cuvette creusée parfois sur un tas de pelotes de réjection désagrégées. À Oléron, des nids ont été trouvés dans des arbres creux (15), des combles et des greniers d’habitations (12), des nichoirs (6), d’anciens moulins à vent (6), des granges (2) ou encore dans l’âtre d’une cheminée (2). La ponte s’échelonne de mi-mars à mi-août et compte généralement de 4 à 8 œufs (jusqu’à 14) que seule la femelle couve pendant 1 mois. Contrairement aux autres rapaces nocturnes, l’Effraie effectue fréquemment une deuxième ponte lorsque les proies sont abondantes. Ce paramètre a une grande incidence sur le nombre moyen de jeunes à l’envol par couple nicheur qui varie de 3, les années où les proies se font rares, à 6,5 les années fastes.
L’espérance de vie d’une Effraie dépasse rarement dix ans (certains individus atteignent 20 ans et plus). Bien des menaces anthropiques privent ce rapace de zones de chasse ou de sites de nidification (notamment la disparition des zones bocagères et l’évolution du bâti rural) voire augmentent son taux de mortalité (comme la circulation routière et les lignes électriques, mais aussi l’utilisation croissante des pesticides et les campagnes d’empoisonnement des rongeurs). Une menace anthropique qui peut s’avérer mortelle, répertoriée de temps à autre au centre de sauvegarde du Marais aux Oiseaux et à laquelle, hélas, on ne pense pas : le ruban tue-mouches, suspendu au plafond, où viennent s’empêtrer toutes sortes d’oiseaux dont parfois une Effraie.
Quelques références parmi d’autres pour en savoir bien plus :
Géroudet (P.) & Cuisin (M.) 2013.– Les Rapaces d’Europe. Diurnes et nocturnes. Delachaux et Niestlé, Paris.
Muller (Y.) 1999.– L’Effraie des clochers. Éveil Nature, Saint-Yrieix-sur-Charente.
Muller (Y.) 2015.– Effraie des clochers Tyto alba. In Issa (N.) & Muller (Y.) (Éds), Atlas des oiseaux de France métropolitaine. Nidification et présence hivernale. LPO/SEOF/MNHN. Delachaux et Niestlé, Paris.
Vallée (J.-L.) 2009.– La Chouette effraie. Delachaux et Niestlé, Paris.
http://publis.lpo-anjou.org/crex5/5effraie_crex5.pdf
http://www.bourgogne-nature.fr/fichiers/bn11-p215a227_1405416356.pdf
http://www.lachoue.fr/wp-content/uploads/2014/11/La-Choue-rapport-2013.pdf
https://inpn.mnhn.fr/docs/cahab/fiches/Effraie-desclochers.pdf
Texte © Christian Bavoux
Photos © Jacques Anthonioz (Jeunes Effraies dans un nichoir posé contre un mur) & Christian Bavoux