L’Engoulevent d’Europe

L’ « oiseau mobylette » : ce drôle de sobriquet, l’Engoulevent le doit à son chant monotone, très caractéristique, une sorte de ronronnement prolongé qui, de loin, ressemble plus à celui d’un cyclomoteur qu’à un chant d’oiseau et qui peut durer jusqu’à 5, voire 9 mn, sans interruption ! Chez cette espèce nocturne, seul le mâle se manifeste, rarement en vol ou posé au sol, le plus souvent à partir d’un poste de chant surélevé (portée de l’ordre de 500 m). Attention à ne pas confondre son chant avec celui d’un insecte, la Courtillière, plus continu et surtout qui provient du sol ! Son nom latin Caprimulgus (de capra : chèvre et mulgeo : traire) vient, quant à lui, d’une croyance lointaine remontant à Aristote et reprise par les latins, en particulier Pline, comme quoi l’Engoulevent tétait les chèvres (croyance basée au départ sur un fait réel, à savoir que cet oiseau tourne le soir autour des troupeaux qui pâturent, mais pour se nourrir d’insectes…).

D’une envergure d’un peu moins de 60 cm, ce proche cousin des martinets pèse 50 à 110 g.  Son plumage terne, couleur écorce, lui assure un mimétisme parfait lorsqu’il est posé au sol ou sur une branche. En vol, le mâle se distingue de la femelle par deux taches blanches vers la pointe des ailes et deux autres aux coins externes de la queue.

L’Engoulevent niche en Europe, au Moyen-Orient et en Afrique du Nord. En France, il niche sporadiquement un peu partout, surtout dans la moitié sud avec des populations parfois assez abondantes. Contrairement à la population européenne considérée comme étant en déclin, la population française – comprise entre 40 000 et 80 000 couples en 2009-2012 – semble stable. Par endroits, la densité des mâles chanteurs peut être très élevée, jusqu’à 10 à 20/100 ha dans le Midi. En Poitou-Charentes, les effectifs nicheurs sont évalués à 1 400-5 700 couples dont 500 à 1 500 en Charente-Maritime. À notre connaissance, la mention la plus ancienne concernant la présence de l’espèce à Oléron est due à Magaud d’Aubusson, dans la revue Le Naturaliste du 15 juin 1909 : « On trouve dans l’île des Engoulevents. Par les soirs d’été, on les voit voler au dessus des dunes. ». De nos jours, l’espèce est présente du sud au nord de l’île, avec une densité plus élevée dans les massifs forestiers dunaires. En 2018, un recensement effectué début juin en forêt domaniale de Saint-Trojan-les-Bains par le Marais aux Oiseaux a permis de comptabiliser 16 mâles chanteurs le long d’un transect de 7,8 km allant de Vert Bois à Gatseau lors de 16 points d’écoute espacés de 500 m (selon un protocole prédéfini qui permettra d’évaluer l’évolution de la population). Sur le proche continent, en forêt de la Coubre où de nombreuses coupes ont été effectuées récemment, le recensement effectué par la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO) en 2015-2016 fait état, quant à lui, de 55 contacts d’Engoulevents lors de 36 points d’écoute effectués selon un protocole semblable.

Dans notre département, ce migrateur transsaharien arrive de ses quartiers d’hivernage en Afrique tropicale vers la mi-mai pour les plus précoces. L’Engoulevent est un insectivore qui se nourrit essentiellement de papillons nocturnes. Actif principalement en début et en fin de nuit, il recherche les milieux semi-ouverts, avec des zones buissonnantes et des parties de sol nu. Son nid est une simple cuvette sur une portion de sol nu, parsemé de bois mort, de feuilles ou d’aiguilles, de mousse, mais sans herbe. L’espèce effectue deux pontes, la première à partir de fin mai, la seconde à partir de fin juin, de deux œufs chacune, couvés essentiellement par la femelle pendant un peu plus de 15 jours. Un couple n’élève en moyenne que 1 à 2 jeunes.

La longévité maximale de cet oiseau est d’environ 12 ans. Mais combien d’individus l’atteigne, sachant que bien des dangers les guettent, que ce soit dans leur aire de nidification, durant la migration ou encore durant leur hivernage ? À Oléron, parmi les menaces autres que la circulation routière pesant sur l’Engoulevent, signalons la densité localement élevée du Sanglier dont la prédation sur les couvées n’est probablement pas négligeable.

Faune Oléron : l'Engoulevent d'Europe
Faune de l'île d'Oléron : Sanglier photo ©J.Auger

Quelques références parmi d’autres pour en savoir bien plus :

Cabard (P.), Chauvet (B.) & Groupe Ornithologique de Touraine (GOT) 1995.– L’étymologie des noms d’oiseaux. Origine et sens des noms des oiseaux d’Europe. Éveil éditeur, Saint-Yrieix.
Géroudet (P.) & Cuisin (M.) 2010.– Les Passereaux d’Europe – Tome 1 – Des Coucous aux Merles. Delachaux et Niestlé, Paris.
Issa (N.) & Caupenne (M.) 2015.– Engoulevent d’Europe Caprimulgus europaeus. In Issa (N.) & Muller (Y.) (Éds), Atlas des oiseaux de France métropolitaine. Nidification et présence hivernale. LPO/SEOF/MNHN. Delachaux et Niestlé, Paris.
http://marais-seudre-brouage-oleron.n2000.fr/sites/marais-seudre-brouage-oleron.n2000.fr/files/documents/page/Engoulevent.pdf
https://inpn.mnhn.fr/docs/cahab/fiches/Engoulevent-deurope.pdf
https://www.agglo-royan.fr/documents/10452/161114/inventaire_coubre16.pdf

Texte © Christian Bavoux
Photos © Jacques Auger (Sanglier), Nathan Livartowski (Engoulevent d’Europe perché) & Christian Bavoux